Rossignol, mon mignon / Mary Hines
ROSSIGNOL, MON MIGNON
Rossignol, mon mignon, comme est tendre minuit !
Ta rose est amoureuse et sa brise un aveu
Ma mie a dénoué ses noirs et longs cheveux
Soyeux néant musqué, essence de la nuit
Les replis de la rose et du creux de l’oreille
Ont le même dessin, gentil petit chanteur :
Réponds à la ferveur de la beauté vermeille
Tandis que je murmure à la porte du coeur
Puis fouille de ton bec, repais-toi de cet or
Caché dans le carmin, le coeur de la nature,
Pendant que mes baisers chercheront le trésor,
Dans la chair et le sang, le coeur en démesure
Ton coeur, oh ! bien-aimée ! est beau comme une rose
Minuit clame et chuchote à l’aplomb des étoiles
Le noir est un parfum de boucle et de pétale
Ecoute, ô rossignol, entends battre la rose !
MARY HYNES
"Beauty dies of beauty" - W.B Yeats
La lande se taisait, les agneaux, les ajoncs,
Lorsque venait Mary, en deux-trois légers sauts
De ses pieds nus glacés que baisaient les goujons,
De l'hommage des haies. Des paillettes sans nombre
S'envolaient sur les eaux, la portait sous les branches
Vers les yeux et les coeurs que lui libérait l'ombre.
Ses pas dans le limon longtemps ne s'effaçaient
Et les garçons priaient au pied de l'aubépine.
Toute la création tendrement l'embrassait
Quand nul n'osait l'aimer, si bonne et si divine.
Mais des fées s’assemblaient en lueurs vagabondes,
Une suie vint souiller les flocons du printemps,
Le trop-plein de beauté déborda de ce monde
Et la nuit prit Mary le jour de ses vingt ans.
Un vieux poète aveugle à son deuil a chanté.
Et bien après vint Yeats, afin que nul n'oublie,
Et lui la vit aussi. Et pour toi l'enchantée,
Me voici sous les fleurs au gué de Ballylee.