Devant un Christ... / Traces de pas
DEVANT UN CHRIST DE PHILIPPE DE CHAMPAIGNE
Je ne vois qu’une image et je cherche l’objet,
Le modèle et le vrai par-delà l’immanence
Des pigments, du génie, et de sa main qui pense
Mais pas plus que moi-même attrape le sujet.
La couleur est obscure et toute ressemblance
Se voit les yeux fermés. Si la beauté, d’un jet
Eblouit la rétine et se croit transcendance,
Le réel est un lent, improbable trajet
Dans la nuit mystérieuse où les dieux sont cachés.
Mais, déjà révélés, nous avons leurs visages,
Non faits d’une main d’homme et pourtant des images :
Deux paupières baissées, des coups, du sang séché ;
Une Indienne étoilée, ses mains, son front sereins ;
O cape à Mexico, ô linceul à Turin.
TRACES DE PAS
Tes pas sur l'eau, ô Jésus Christ, en Galilée...
Quel dessin sur la vague...un songe est révélé ;
Des traces dans la boue, séchées avant l’Histoire...
Nous venons de si loin...à tâtons dans le noir.
Les pas de mes enfants sur le doux sable gris
(ô petits pieds nacrés), la mer me les a pris ;
Lorsque descend mon ange (un éclair ou une aile ?)
Son pied brise un silex, libère une étincelle.
Et pour moi quel chemin, quelle fin, quelle empreinte ?
Mon pas n'est qu'un écho, un désir, une plainte,
Mais je saurai pister ces nains et ces géants.
Infime et si léger, ce merle dans la neige...
Bonds dansants d’un grand feu, flammes et sortilèges...
J’entends marcher le temps, l’amour et le néant.